Millésimes bourguignons: 1959/1994

Publié le par Patrick Essa

    Je vous livre dans ce message une approche sommaire des millésimes bourguignons selon mes expériences de dégustateur et les données que j'ai pu collecter dans le vignoble. Ce travail est volontairement succinct dans les premiers millésimes pour une bonne lisibilité. Puis il se fait plus détaillé à partir des années 1990 car vous pouvez encore parfois le trouver dans les ventes . J'attribue une note indicative sur 100 points en distinguant blancs et rouges afin de vous donner un indice qualitatif simplifié. Celui-ci est moins important que le texte qui décrit le millésime. 

 

 

  •  1959 : année abondante et de qualité superbe tant en blanc qu'en rouge. Sans doute les meilleurs rouges de l'après guerre à pleine maturité avec les 64. Blancs et Rouges:95
  • 1960 : pluie constante en Septembre, pourriture... à oublier. Blancs et Rouges:55
  •  1961 : petite récolte en raison de la coulure. Beaux vins élégants un peu sur-estimés en raison de la qualité des Bordeaux. Les 61 bourguignons sont moins concentrés que les 59 et 64 mais possèdent une grande élégance. Blancs:88/Rouges:90
  • 1962 :des vins très fins, élégants qui ont très bien évolués. Blancs superlatifs, en particulier à Puligny et Meursault. Rouges:86/Blancs 92
  • 1963 : pluie et pourriture, toute petite année. Blancs et Rouges:60
  • 1964 : récolte abondante, vins solides et charpentés, blancs extraordinaires. Les rouges se sont parfaitement conservés et se révèlent magnifiques aujourd'hui. Blancs et Rouges: 94
  • 1965 : coulure, petite récolte, vin légers et aqueux. Blancs et Rouges: 65
  • 1966 : Beaux vins complets et un peu austères car vifs. Superbes aujourd'hui. Blancs et Rouges: 91
  • 1967 : gelées, pluies, millésime irrégulier mais très moyen en général. Quelques réussites en Côte de Nuits, mais mineures. Blancs et Rouges: 80
  • 1968 : gelée, pluie pourriture, désastreux. La pire année du siècle sans doute. Blancs et Rouges: 55
  • 1969 : vins classiques et un peu tanniques. très beaux aujourd'hui. Blancs moyens. Blancs: 84 / Rouges:90
  • 1970 : Vins charmeurs, ronds, élégants, qui possèdent beaucoup de fond. Quelques grandes réussites en blancs et des rouges parfois sublimes en Côte de Beaune et Côte de Nuits. Blancs: 90 /Rouges:92
  • 1971 : Beaux quand ils n'ont pas été grêlés. Les blancs sont dorés, les rouges sont désormais à boire et possèdent souvent de belles notes "chocolatées". Blancs: 84 / Rouges:87
  • 1972 : Vins rouges assez concentrés et vifs qui ont parfois très bien vieillis. Ils devraient toutefois être bus aujourd'hui. Les blancs sont plus mûrs mais manquent de race. Rouges et blancs:85
  • 1973 : grosse récolte, petite réputation en rouge alors qu'il en existe de très gourmands mais un peu légers et grands vins blancs méconnus. Rouges:82/Blancs:91
  • 1974 : Gelées terribles dans les blancs, ce qui reste est très bon cependant. les rouges sont plus fluets. Rouges:80/Blancs 89
  • 1975 : pluie en septembre, pourriture, toute petite année.Blancs et rouges: 70
  • 1976 : Sécheresse, vins tanniques, longs à se faire en rouge. Blancs superbes dans un registre puissant et ferme. Rouges:86/Balncs:92
  • 1977 : pluie, pourriture malgré les premiers pas des produits anti-pourriture. Année faible. Blancs et rouges: 70
  • 1978 : La fleur passe mal mais temps superbe d'Août à Septembre, très beaux rouges fins et concentrés. Blancs moins pleins et surtout très acides. Blancs: 82/Rouges: 93
  • 1979 : blancs très classiques, d'une race étourdissante, la plus belle année de l'après-guerre. Rouges fins élégants mais moins racés que 78. Rouges:86/Blancs:97
  • 1980 : Petite récolte, millésime  moyen en blanc mais ils ont parfois bien vieillis . Les rouges sont maigres et n'ont pas pas le grand style. Blancs:84 / Rouges: 83
  • 1981 : très irrégulier. Petite récolte en raison des gelées. les vins rouges sont sévères et un peu tanniques Ils manquent un peu de charme et de fond. Les blancs issus d'une petite production ont des senteurs iodées caractéristiques: Rouges:82 / Blancs :86
  • 1982 : abondance, abondance. Vins rouges fins et élégants mais en fin de vie et Blancs vraiment magistraux, d'une éclatante finesse. Attention à la dilution toutefois. 83/91
  • 1983 : grêle, pourriture, il fallait trier. Blancs jaunes au nez de liquoreux, rouges souvent en fin de vie et secs. Blancs: 88 / Rouges: 81
  • 1984 : pluie, manque de maturité, petite année. Blancs et Rouges:75
  • 1985 : Très beau millésime classique dans les deux couleurs. Capacité de garde fantastique. Blancs et Rouges: 95
  • 1986 : rouges légers et sans beaucoup d'intérêt. blancs assez opulents et pleins marqués par une proportion de botrytis.Rouges: 84 / Blancs: 90 
  • 1987 : petite année dans les deux couleurs. Rouges: 82/Blancs:88
  • 1988 : blancs un peu trop vifs en général mais disposant d'une matière saine et généreuse. rouges tanniques et durs qui peuvent être grandioses. Blancs: 85/Rouges:91
  • 1989 : Très bons rouges, souples fruités, classiques et charmeurs. Blancs très pleins, mûrs, dorés, concentrés et de très longue garde. Rouges: 91/ Blancs:95

 

  • 1990 Blancs nerveux et frais - Rouges d'anthologie
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    L'année fut dès sa naissance considérée comme une des plus belles de l'après guerre.

   Je me souviens fort bien de la parfaite tenue des raisins et d'un équilibre général que la Bourgogne n'avait sans doute pas connu depuis le merveilleux 59. Mais je me rappelle aussi que comme souvent en année "parfaite" les blancs ont été coupés trop précocément alors que rien ne semblait devoir précipiter l'entrée dans les vignes. Le temps était radieux et si les degrés étaient élevés , la vraie maturité physiologique n'était pas encore au rendez vous chez les coupe-tôts, qui furent hélas les plus nombreux. J'irais même jusqu'à dire que tout le monde a coupé trop tôt ces chardonnays 90. Aujourd'hui les meilleurs crus rouges ont un éclat extraordinaire dans les deux côtes et certains sont même les plus beaux que le 20° siècle ait porté. De vins à la tramé serrée, très fruités qui avaient commencé leur vie de manière retenue mais qui ne cessent de prendre de l'ampleur avec le temps. Les 90 de la côte de Nuits constituent sans doute les meilleurs vins de ces 40 dernières années sur le plan formel - lorsqu'ils n'ont pas été tratriqués - et je considère que le temps devrait les amener à dépasser le 99 et 2002, cependant plus réguliers. Seuls les 2005 pourront leur tenir tête vraiment. La Côte de Beaune a donné de merveilleux Volnay et Pommard qui sont sans égal à ma connaissance en dehors des 99 et qui surtout possèdent beaucoup plus d'ampleur que les vins de la montagne de Corton et de Savigny. Il subsiste de fantastique bouteille de Santenay-Maranges et Chassagne rouge. Les vins blancs sont aujourd'hui en moyenne un peu sévères et linéaires. Certes très racés, fins et tendus ils n'ont pas la grâce des années d'équilibre et surtout manquent en général de longueur et de "fond". Les meilleurs sont issus des Perrières, Genevrières, Charmes desssus à Meursault, des parties médianes et solaires de Puligny et des zones médianes et hautes de Chassagne-Montrachet, ainsi que sur la partie de murgers des dents de chiens de Saint-Aubin. Les Corton Charlemagne m'enthousiasment moins. Ils sauront plaire aux amateurs de vins nerveux et acidulés qui font passer la fraîcheur et la tension avant le fruit et la générosité. Blancs : 84 - 92    Rouges : 86 -100

 

 

  • 1991 Un millésime hétérogène :Blancs floraux et amers - Rouges fluides et parfois surprenant de densité:
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        Nous sortions d'un formidable millésime 90 et son élevage n'était pas encore terminé lorsque la récolte 91 a commencé dans un climat de relative sérénité. Assez tardive, l'année présentait vraiment un profil complexe. Certains fruits étaient issus de vignes parfaitement mûrs quand d'autres secteurs présentaient des maturités décalées et de la pourriture. Le commerce était au beau fixe et les moûts partaient des cuveries pour le négoce à des prix que leur qualité ne justifiait pas toujours. Comme souvent dans ces cas là certains vignerons préférèrent sécuriser leurs vendanges en coupant tôt. Cela eut un effet d'autant plus funeste qu'à cette époque là les citernes chargeaient des jus sans trop se préoccuper de leur potentiel,en lorgnant plutôt du côté des noms d'appellations emportées. Ajoutez à cela la quasi absence de tri dans les vins rouges pour les petites structures et vous comprendrez pourquoi le millésime ne possède aucune unité véritable. Les potentialités ayant été partiellement transformées... Les blancs sont pour beaucoup nés avec une amertume constitutive qui indique clairement que les pluies et l'absence de vraie maturité physilogique sont pour beaucoup dans leur expression. Des goûts amers, un peu phénolés et des finales abruptes caractérisent de nombreux crus trop peu mûrs. En revanche il existe aussi de très belles cuvées tendues, pures et droites qui ont une capacité de garde étonnante et qui ressemblent un peu à certains 2001 récents. Frais, un peu vifs, mais possèdant un centre tartrique élevé, contrebalancé par un moëlleux de récoltes finement botrytisées. Il y a de très beaux vins à Chassagne et Meursault, les Puligny se montrent souvent plus austères et de longue haleine. Ce qui pour les grands crus n'est pas forcément un défaut. En rouge certains crus se montrent austères et secs avec des goûts peu engageants de ronce et de caroube verte. Les deux côtes sont à peu près de même niveau dans les vins de niveau "village"mais les grands crus ont en général un surcroit de densité, ce qui ne surprendra personne. J'aime peu les vins de ce millésime à Volnay et Pommard - mais il y a bien entendu des exceptions - car ils se montrent trop souvent durs et sans âme. En revanche les Chambolle ont bien tiré leur épingle du jeu, ainsi que que certains Morey et Gevrey car ils jouent plus le registre de la finesse. Blancs : 80 - 88  Rouges : 78 - 87

 

  •      1992 Blancs exotiques et savoureux - Rouges légers:
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    L'année montre bien que les raisins blancs et les raisins rouges ne vivent pas focément au même rythme. Les blancs furent souvent coupés dorés et gorgés de sucs quand les rouges abondants furent rentrés souvent modérément mûrs sur des rendements élevés. Quelques traces de pourriture de ci delà et parfois une vendange à la limite de la flétrissure sur les blancs bien dorés et on a signifié très vite qu'il ne faudrait pas tarder à les boire car les acidités étaient en moyenne assez basses et l'impression générale "opulente".Mais le temps a fini par leur rendre raison, voilà une année peu acide qui comble en général les tenants des crus les plus tendus et que l'on déguste très souvent en fin de dégustation lorsque le vigneron veut faire plaisir à son hôte. J'apprécie cette approche gourmande du blanc rond et bouqueté mais je ne peux m'empêcher de signifier qu'il lui manque une énergie ultime qui caractérise les très grands millésimes d'équilibre. Près de nous les 2006 bien nés lui ressembleront un peu. Puligny et Chasssagne pleins et denses, Meursault généreux et opulents sur des notes d'agrumes mûres, de vanille et de fruits exotiques, Saint Aubin splendides, sans doute les meilleurs de la décennie et le signal du début d'une très belle révolution qualitative dans le village. Les rouges sont aujourd'hui en moyenne décevants, même s'il subsiste de belles réussites mineures de ci de là. Ils n'ont pas la sève des beaux crus harmonieux mais peuvent séduire parfois par leur fluidité et leurs délicats arômes de fruits rouges. Côte de Nuits et Côte de Beaune sur un mode mineur et en revanche de forts beaux Hautes Côtes lorsqu'ils ont été coupés tardivement. Blancs : 86-95    Rouges : 78 - 87

 

 

  •  1993 Blancs irréguliers - Rouges tanniques
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   L'année fut annoncée de bon niveau dans les vins rouges qui sortaient de deux millésimes difficiles.Dans un climat général un peu morose car les vins subissaient alors un début de mévente et une baisse des prix "en gros" sensible, il fallut vinifier des matières qui n'étaient pas de toute première qualité. Aujourd'hui les vins se dégustent de manière très variables et certaines réusssites retentissantes côtoient des vins médiocres et décharnés. Il faut donc sélectionner avec soin son producteur... Les maturités atteintes dans les pinots étaient satisfaisantes, l'état sanitaire plutôt sain et la récolte mesurée. En revanche les vins possèdaient des tanins sévères et un peu abondants et aujourd'hui certains crus se montrent secs et rêches, là où d'autres continuent de polir une superbe matière tannique initiale. En général les vins ont le même potentiel dans les trois côtes mais j'apprécie souvent particulièrement le secteur de Nuits Saint Georges, les Volnay et Savigny et les très beau Mercurey et Givry. Cette dernière AOC ayant même réussi à mon sens a dépasser le cadre du milléisme part un surcroit de densité et de souplesse. Les vins blancs eurent à souffrir d'une maturité alétaoire et d'un certain manque de soleil en Septembre, mais les degrés atteints étaient assez satisfaisants. Ils se montrent aujourd'hui sérieux et vifs ou alors complètement dépouillés. Les Puligny ont une densité supérieure dans les grands crus et j'apprécie en général un peu moins les premiers crus de Chassagne que je trouve aujourd'hui moins aromatique et plus fluet. Mais évidemment il faut prendre ces conclusions sur la moyenne car de remarquables contre-exemples existent. Blancs : 80 - 90 Rouges : 83 - 93

 

  • 1994 Blancs maigres (à des rares exceptions) -Rouges fluets
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   Voilà sans doute une des dernières toute petite année que la Bourgogne a connu. Des vendanges pluvieuses, un état sanitaire très imparfait( pourriture-maturités pas atteintes) et malgré tout des quantités de vins assez conséquentes mises sur un marché qui continuait de s'essouffler. Les vins se sont quand même vendu un bon prix au commerce de gros car les négociants n'avaient pas stoppé leurs achats et au final on peut signifier que ce millésime aura été vendu sans trop de tracas dans les quatres années qui suivirent. Les blancs sont très hétérogènes et en général maigres et acides. Ils ont été chaptalisés selon les normes en vigueur mais bien entendu ils manquent de relief et ont "tendance" à développer des notes miellées assez éloignées des canons classiques des beaux blancs de la côte. Certains ont cependant attendus et coupés après le pluies ( Jadot-Fichet) des raisins certes plus gorgés d'eau mais dans un meilleur état au plan de la maturité. La pourriture inévitable les a rendu aujourd'hui dorés et développant des notes aromatiques exotiques. Un moindre mal pour ceux-là et une mention à Jacques Lardières qui est un des seuls qui a vinifié une gamme étoffée et régulière dans ce millésime. Les rouges sont vraiment faibles aujourd'hui. Dépouillés et sans grâce ils se révèlent très souvent fluides et acqueux sur un fruité qui s'estompe et une acidité qui est toujours bien présente. La Côtes de Nuits s'en sort un peu mieux , surtout dans le secteur Nuits-Vosne. Ils devraient être bus aujourd'hui. Blancs : 72 - 88 Rouges : 71 - 84

Publié dans Millésimes

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